C'est l'histoire d'un être de petite taille qui paria avec ses congénères, à l'instar d'un richissime aventurier verni, de faire le tour du monde en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Il partit immédiatement de son hôtel, le Pangolin Revenchard, grâce au soutien d'un postillon qui passait par là avec diligence. Il avait la ferme intention de revenir très vite, mais pas avant d'avoir visiter un max de pays. Au moins. Et d'y laisser des preuves irréfutables de son passage.
Les journaux commencèrent très vite à parler de son voyage. Il faut dire qu'il n'était pas très discret et laissait beaucoup de traces derrière lui. Et souvent des cendres en pot, aussi.
Cependant, certains enquêteurs s'interrogeaient sur cette escapade. Ce gnome ne serait-il pas celui qui avait dévalisé une institution chinoise hautement sécurisée et pourtant curieusement perméable, en emportant des reliques sacrées, notamment celles du roi Sid ? Ils se jetèrent immédiatement à ses trousses, mais comptaient déjà un temps de retard sur le véloce nabot, qu'ils risquaient de ne jamais pouvoir rattraper.
L'avorton ne s'imposait d'ailleurs aucunes limites pour atteindre ses destinations et on le vit voyager en train, en bateau, en avion, en autobus, en blablacar et même en catimini, tapi discrètement dans un porteur. Or, par une étrange alchimie, l'utilisation qu'il faisait de ces transports eut un effet contraire sur leur usage exagéré. C'était comme si son passage les rendait inutiles, au point que, concernant les porteurs, ça confinait à l'immobilisme.
Réussissant plus qu'il n'avait espéré, le myrmidon avait déjà atteint la France 80 jours après son départ. L'Angleterre fût une formalité, et l'Amérique le vit débarquer sans coup férir, mais peut-être à coup de ferry. Là, les enquêteurs manquèrent de l'interpeller, mais faute de preuves, il fût relaxé des faits dont on le soupçonnait et continua sa route, non sans avoir écumé New York et sa banlieue.
Faisant fi des frontières, il eu cependant du mal à pénétrer dans certains pays, au sein desquels il n'hésita pas à faire toussoter pour passer en force. Rien ne l'arrêtait.
Finalement, après avoir bouclé son tour du monde et laissé dans son sillage des milliards de badauds épuisés par sa course, qui rentrèrent bien vite chez eux pour intérioriser des mois durant leur sidération devant tant d'audace, il revint chez lui pour s'apercevoir, nul n'est prophète en son pays, qu'on y trouvait à peine les traces de son passage, en tout cas infiniment plus ténues que dans le reste du monde qu'il avait arpenté.
Dépité par ce revers et certain d'avoir ruiné au moins sa réputation, il commençait à pleurer sa couronne perdue quand on lui apporta la nouvelle. Non, ce n'était pas une défaite. Des témoins essoufflés par millions assuraient l'avoir croisé, juré craché. Il avait tellement d'avance que l'idée de refaire un tour le démangeait déjà.
Le souvenir de sa performance perdurerait des années, sans aucun doute.